Travailler pour l’industrie du surf est le rêve de beaucoup de personnes sur cette planète. Il n’y a qu’a voir les milliers de demandes de stage que reçoivent chaque semaine les RH de ces entreprises bercées par la culture du surf. Si en France, la plupart de ces boîtes se trouvent dans le sud-ouest, certains sont prêts à tout quitter pour y mettre un pied. Billabong, Ripcurl, Quiksilver ou encore Volcom, sont-ils des places-to-be pour surfeuse passionnée ? Je vous raconte.

Bâtiment en bois aux formes ultra modernes entouré d’une forêt de pin et à seulement quelques minutes du premier spot de surf avec skatepark privatif. On se croirait dans une annonce airbnb pour une villa de luxe n’est ce pas ? Et bien non, c’est le lieu de travail de centaines de personnes qui ont dégoté un contrat dans une de ces boîtes qui vend du Néoprène et des chemises à fleurs.

J’utilise le verbe « dégoter » parce qu’à peine arrivé on me demande qui m’a pistonné, enfin… après qu’on m’ai pris pour la nouvelle stagiaire.
« Comment ça pistonné ? J’ai passé 3 entretiens, ou on m’a posé des questions de géopolitique de l’Europe en Anglais pour un job de graphiste. Alors, à part l’Australien avec qui je suis sortie l’été dernier qui m’a bien aidé sur ce coup, je ne sais pas. ». Tout le monde connait tout le monde dans ce genre de boîte et il n’est pas rare de voir des anciens de chez Billabong travailler chez Ripcurl et inversement.

Être graphiste pour une marque de bikini qui a comme mannequin des bombes atomiques qui surfent des spots incroyables, ça en ferait rêver plus d’un. Mais en tant que nana c’est bien différent. Au début, tu les vénères derrière ton écran à les mettre en situation dans des affiches de pub h24 5j/7 parce qu’elles ont clairement des corps de rêve et qu’elles sont douées pour leur sport. Puis après il y a la phase de dépression interne où tu te dis que tu ferais mieux d’aller surfer matin midi et soir pour ressembler à ça. Jusqu’au jour ou ça explose lors d’un thé matinal dans le bureau de ton collègue film-maker. En fait, ça va elles sont pas mal, voire bof quoi… Il venait de me montrer le slow-mow de leur petites fesses et forcément on voyait les défauts. Ouf, on est toutes pareilles, je peux retourner les resizer en 4 par 3 pour la prochaine campagne.

13h. C’est l’heure d’aller manger. Enfin, ça c’est ce que ferait n’importe quel employé normal. Ici, on prend à emporter à la cafétéria, on dépose notre salade et nos morceaux de pastèque sur notre bureau et on file au skatepark ou à la plage pour aller surfer l’heure de pause que l’on a. Dans l’eau, il n’est plus question de distinction entre salariés, tu surfes avec ton boss, tu le braques si il faut mais tu penses juste à ta session… et à l’heure. Merde ! Le social media manager vient de sortir de l’eau, ça veut dire que c’est l’heure. Tu t’empresses d’enfiler ton short et tes tong et tu files manger ta pastèque un stylet à la main, les yeux rivés sur tes deux écrans et tes amies les surfeuses pro. Quelle vie !

« Non, tout le monde ne surfe pas dans ce genre de boîte. »

Bon. Puisqu’on en parle, autant casser le mythe tout de suite. Non, tout le monde ne surfe pas dans ce genre de boîte. On y compte à peu près 30% de surfeurs sur l’ensemble du personnel et c’est assez drôle de voir à quel point certaines personnes n’y connaissent rien et s’en fichent total. Ces gens là sont habillés en Ripcurl ou Quiksilver de la tête aux pieds mais n’ont jamais mis un pied sur une planche. En même temps, qui a dit qu’il fallait être fumeur pour bosser chez Marlboro ?

Selon les services dans lequel tu te trouves, tu ressens plus ou moins la pression. Au studio créa, les gens sont plutôt stressés et ça se voit directement quand tu mets un pied dans leur bureau. Reggae à fond dans l’open space, ils sont tous pieds nus et sautillent sur leur boule rose gonflable qui fait office de chaise. En plus de ça, en plein milieu du bureau, il y a un boardbag ouvert avec 4/5 planches que Kelia Moniz doit venir chercher dans l’après midi. T’as vraiment pas envie de voir ça je t’assure. Bon, ce n’est pas comme ça partout, il faut le dire. Au service compta par exemple, personne n’a osé enlever ses chaussures et on entends les mouches voler.

Au bout du couloir j’entend « Hey surfergirl, what about the school diary ? ». C’est le siège monde et forcément le directeur de création est américain. Dans ces boîtes, il vaut mieux pour toi que tu parles anglais car toutes les réunions sont in english my dear. Les français sont presque en minorité entre les australiens, les américains et les espagnols… Parfois en réunion, t’as envie d’en placer une mais t’as un peu peur que personne ne comprenne ta remarque, du coup tu fais oui de la tête et tu la ferme. C’est la loi du siège monde. Tu n’es plus en france, tu es partout à la fois.

« Almost finished Greg ! ». Chaque année des milliers de kids futurs riders achètent les agendas avec des surfeurs sur la couverture. A l’intérieur, pleins de photos incroyables sur lesquels on pouvait nous laisser des petits mots. Cette semaine, le brief c’est de designer cet agenda, celui des nanas. Consécration. Des petites filles vont baver sur mon agenda. Je m’y affaire illico presto parce que j’ai trop hâte de mettre ça en forme. Puis on me donne les photos utilisables, tu sais celle du mois de juin où la surfeuse est allongée sur sa planche, sur le dos. Et celle du mois de décembre où les snowboards ne sont pas aux pieds des rideuses mais contre le mur de la cheminée pendant qu’elle se lancent des boules de neige dans leur combi flashounette. Je rêve, ôtez moi cette pensée de la tête ! Même ici on veut faire passer les rideuses pour des godiches. Je dis non. Non, non non. La suite je vous l’épargne puisque sur l’agenda 2017, Monica balance maintenant un roller.

Franchement il n’y a pas à dire, bosser pour une marque de surf quand tu es surfeur, c’est vraiment le top. Tu te sens concerné par ce qui se dit dans les campagnes de la marque (surtout les surftrips aux Seychelles que tu ne peux pas te payer avec ton salaire), tu n’auras plus à te demander le matin si tu mets ton pull Quiksilver ou ton pull Quiksilver (oui parce que si tu mets le Ripcurl noir que tu aimes tant, tu finiras torse nue pour le reste de la journée) et on te verra comme quelqu’un qui pèse dans le biz’ (tu recevras des centaines de messages Linkedin pour te voler ton poste). Actuellement, il y a beaucoup de postes (de stages pardon) à pourvoir, tentes ta chance mais saches que ce n’est pas forcément mieux chez les autres…