Pauline est infirmière et croise la douleur chaque jour dans le regard de ses patients, sans la fuir. Son métier  possède son lot de tristesse, de détresse, de solitude et de rire parfois. Autant d’émotions réunies dans un même faitout amené à déborder. Délicate et pleine de courage, elle encaisse sans broncher le mal des autres puis se perds le soir dans les lignes de ses romans pour rêver à une vie plus exotique. Jusqu’à ce que sa vie bascule. Elle sauve des vies, mais cette fois c’est le surf qui l’a sauvé.

 

« Fond sonore de musique douce, crayon à papier old school pour fille new génération sans PC. Et de l’envie. Celle de partager ce que je pensais être une utopie dans ma « vie d’avant » . Celle que j’ai décidé de quitter sur un coup de tête, un coup de foudre.

J’avais 22 ans et j’étais le stéréotype parfait de la nana un tantinet bobo, aux cheveux wavy maîtrisés, à deux doigts du trench, accro aux contours des yeux hors de prix et aux ballerines. Bébé infirmière et surtout « fake-Mama » d’une petite perle de 2 ans, résultat d’un coït non maîtrisé entre mon mec d’antan et son ancienne greluche. En toute objectivité bien-sur.

« Je ne serai peut être pas toujours Instagramable mais je serai en vie. »

Puis j’ai eu 24 ans. Et j’ai découvert qu’il existait autre chose que le malheur, la maladie et les contraintes de porter à bout de bras une enfant et une vie qui n’étaient pas les miennes. Je l’ai pour ainsi dire rencontré LUI : monsieur liberté, surfeur, amoureux de houle, de longboard, sentant la wax et le Néoprène. Autant de termes qui m’étaient jusqu’alors inconnus. Je n’avais pas encore rencontré ma 8pieds en mousse que je savais : « ciao, la vie d’avant ». Je veux du cheveux salty-fouilli, de la Vans confort, du sweat oversize et du legging qui accepte mon usuel aérophagie (thanks god!). Je ne serai peut être pas toujours Instagramable mais je serai en vie. La vraie cette fois.

Alors je lui ai dit « c’est fini » et j’ai troqué mon 80 m2 contre une roulotte. Un transporteur de charme, hôtel mobile vue sur mer, chaleur des corps confinés et pipi nocturne libre, mais craintif. En bref ma nouvelle définition du bonheur.

Ambiance relaxante de bord de mer, cliquetis des galets roulants emportés par l’écume blanche, odeur d’algues marines et chants des mouettes. Ça c’est la version cliché. Bruit intense des vagues qui ferment, ballet d’epoxy multicolores et mon siège de pêche queshua. Ça c’est ma version.
Bien installée sur le sable parée de mon plaid ikea vert sapin, c’est ici que je fais ma psychothérapie en bonne femme névrosée que je suis. Adios NT1 ! Confessions intimes, c’est ici et maintenant ! Parce que pour moi le surf, en pratique ou en observation, est une bouffée d’air frais sur ce qui compose les 3/4 de ma vie: mon métier d’infirmière.

Passion initiale, trop souvent détériorée par les conditions d’exercice, il n’en reste pas moins le partenaire principal de mon quotidien. Il possède son lot de tristesse, de détresse, de pleurs, de solitude, de rire parfois. Autant d’émotions réunies dans un même faitout sur feux doux amené à déborder.
Parfois le dimanche je vis en deux temps : je console, rassure, écoute puis 3h30 de départementale plus tard je respire, pleurs, ris et vis. À mon tour de laisser partir ce que j’ai gardé comme dans le vide poche de l’entrée, vestiges inclassables de ces choses qui n’ont pas de cases dans lesquelles rentrer… sinon celles du débarras. Poubelle imaginaire dont le but est de se délester des maux trop lourds.

« Puis simplement parfois penser à eux, ceux que je protégeais il y a 3h30 et qui n’ont pas ma chance. »

Alors j’aime fermer les yeux, respirer, ressentir l’air du vent nord-est frais, la brume marine comme pellicule collante et vivifiante. Et admirer la valse de sa Takayama, le voir aérien au nose. Quand ça paraît facile c’est gagné, c’est ma vision du sport et de l’art. Et simplement parfois penser à eux, ceux que je protégeais il y a 3h30 et qui n’ont pas ma chance. Allez maintenant je rentre, j’ai les tétons qui pointent, les doigts de pieds anesthésiés, les joues brûlées et la larme à l’œil.
S’ajoute à cela un Scrabble et un feu de cheminée qui m’attendent. Et la victoire n’attend pas.

La version été n’est pas détestable non plus. Alternance de vagues et de session UV pour tenter d’échapper aux traces disgracieuses de la combinaison stylée-dénudée aux contours fatals. Silhouette de charme outside, résultat vanille fraise sous la douche du soir. Mais ne parlons pas de ce qui fâche ! Après tout, les prochaines sessions bikini sont suffisamment loin pour me permettre de jouir des bienfaits caloriques de l’hiver.

C’était il y a un an. Et même si j’ai vu tous les films comprenant de près ou de loin le mot surf à moult reprises, pour partager un moment avec mon blondinet peroxydé, je ne ferai jamais machine arrière. Attention, certaines choses n’ont jamais changées : je suis toujours infirmière au service de l’humain, amoureuse de l’Amour et de just dance, mamie tricot, fan de musique de « zoulette », coutumière des expressions « au demeurant » , « liquette » et « pompons sur la Garonne ».

Ne t’en fais pas ma douce, ma toute petite, la vague viendra te cueillir un jour et elle te fera découvrir que la vie peut être comme tu la dessines, à ton image comme un joli swell sous le plus beau des sunset: simple, authentique, rieur, imprévisible et doux. »

Pauline