« Je me suis toujours dit que la meilleure façon de rater ma vie après mes études de droit, c’était de faire du surf. Et comme mes parents tenaient absolument à ce que je sois avocate et que je me marie avec un mec aisé, j’ai décidé d’ouvrir un surf shop et d’être la mieux placée pour pêcho un surfeur roots. Papa, maman, je vous aime.

Je m’appelle Juliette, j’ai 26 ans et si tu surfes t’es forcément déjà venu m’acheter de nouvelles dérives ou des stances avec des chats qui mangent des burgers dans une galaxie où les étoiles sont des pilules vertes. Enfin, tu vois quoi t’en as aux pieds !
Je vis dans une ville de surfeurs, c’est facile il y en a partout. Au supermarché tu les repères direct, ils sont pieds nus, les cheveux encore mouillés et en board-short. D’ailleurs j’ai souvent eu froid pour eux dans le rayon yaourt.
Comme mon lieu de travail avait été intelligemment pensé, il m’était difficile de ne pas en rencontrer et donc de ne pas craquer sur l’un d’entre eux.
Cheveux long salés et blondis, peau mate abimée par le reef, dos musclé, bref monsieur le stéréotype m’a fait fondre comme de la wax au soleil.
Moi, Juliette, 26 ans, j’étais la nouvelle copine d’un surfeur pro. Fouettez moi à coup de leash et dites moi que je ne rêve pas !

« Il a les doigts fripés H24 et gagne sa vie comme ça. Ça se saurait si je gagnais ma vie dans mon bain à lire les étiquettes de shampoing… »

4 planches dans le salon, 8 dans la chambre, 2 dans les toilettes, 4 combinaisons mouillées sur le balcon, 2 autres qui n’attendent que d’être sorties de leur emballage, 1 pain de wax dans la douche. Le décor est posé, le mec ne fait que ça.
Il se lève, check les prévisions, se demande si le vent n’est pas trop fort, si la période est bonne, regarde les marées et vit à leur rythme.  Et moi ? Bah moi je me lève, check mon agenda, me demande si les stocks vont enfin être livrés, je regarde mes mails et vit à leur rythme. Ça fait moins rêver mais si j’étais pas là, qui est ce qui leur vendrait leur combinaison hein ?
Je suis juste pas aussi sauvage que lui c’est tout ! Il a les doigts fripés H24 et gagne sa vie comme ça. Ça se saurait si je gagnais ma vie dans mon bain à lire les étiquettes de shampoing tiens… Roh ça serait bien. J’aime trop lire les étiquettes.
Quand le réveil sonne et que j’enfile mon jeans, lui enfile sa combinaison. Je pars travailler donc, avec en tête le fait que lui est sur la plage et qu’il attrape toutes les vagues que je ne peux même pas voir d’où je suis. Enfin si, en théorie je les vois sur le 4×3 Roxy de ma boutique quand je me tiens bien droite et que le vendeur a correctement positionné le rack devant moi. C’est rien, il me racontera ce soir.

Pause déj, je pars le rejoindre sur la plage pour profiter du soleil. Quand j’arrive pour me garer, il est en train d’enfiler son caleçon et j’aperçois un bout de ses fesses. Qu’est ce que j’aime les parkings ici, toujours pleins de choses à y découvrir…
On se mange un sandwich à la salade et on discute. Enfin, on essaie. Parce qu’on est pas d’accord. Je ne trouve pas que Mick Fanning soit moins bon surfeur que John John Florence. On peut y passer des heures mais j’ai un job qui m’attend alors on relancera le débat le soir chez lui. Et puis, j’ai une chance sur deux qu’il s’énerve et veuille me lancer à la gueule sa planche toute neuve, peut être que je la rattraperai en vol. Soyons optimiste, je l’ai pas dans le shop celle là !

J’aime bien l’analyser comme si il était un spécimen à part. Après tout c’est un peu vrai, il a une manière de vivre complètement hors norme. Il voyage en jet privé, passe plus de temps dans l’eau que sur la terre ferme et est beaucoup plus exigeant que la normale. A force qu’on veuille faire de lui une bête de surf, il veut faire des autres des bêtes d’humains hyper parfaits. Il n’aime pas quand je porte des vans, quand je dis ouais et quand je met du sable dans le lit. Il adore quand je mets une robe pour aller chez ses potes, quand je dis oui et quand je détache mes cheveux. Ah oui et aussi gâcher mon smoothie avec de la spiruline et une ampoule de radis noir…
J’avoue avoir été pas mal surprise au début. C’est hyper flatteur qu’il m’adore en robe mais j’aime bien dire ouais et mes petites vans roses pâles sont quand même hyper mignonnes. Toutes les surfeuses aiment se sentir à l’aise, perso j’aime bien avoir mon petit cul caché par un sweat homme qui m’arrive mi-cuisse. La base !

« J’avais envie de grimper sur sa planche au pic, de le serrer dans mes bras jusqu’à ce qu’il me pousse en me disant « ça rentre ! ». »

Puis j’ai regardé autour de moi et j’ai fait un constat qui m’a moyennement plu. Les 3/4 des surfeurs du world tour (et des footballeurs) sortent avec des mannequins ascendant sacs à main. Elles sont belles, moulées dans leur robe de soirée, bien peignées et elles ont l’air d’offrir le privilège à leur athlète de pouvoir dire à leurs potes « t’as vu ce que j’ai chopé ? Sacré poisson non ? ». Merde je suis pas un poisson moi, ou alors Dori dans Némo parce que je l’aime bien.
Je l’adore ce mec, il est beau, il est drôle, il est athlétique, il me fait voyager tous les week-ends, il connaît toutes mes idoles mais je crois qu’il y a un trou dans le filet là. Oups.

Quand tu sors avec un surfeur, tu te dis que ça y est, tu es bonne pour les sessions de surf en couple. S’auto-motiver pour les jours où c’est trop gros, où il fait trop froid, où on a la flemme. J’avais envie de grimper sur sa planche au pic, de le serrer dans mes bras jusqu’à ce qu’il me pousse en me disant « ça rentre ! ». Qu’il me gueule dessus de lui avoir volé la bombe de la session. Qu’il m’apprenne à balancer des rollers à midi. Qu’on partage autre chose que les débats sur Mick Fanning et JJF. Qu’on s’échange nos boards et qu’on rigole de le voir galérer parce que la mienne est trop short pour lui. Qu’on se fasse des surftrips au bout du monde. Qu’on s’encourage à l’eau à coup de « yewww ». Qu’on fatigue les poissons par tant d’amour quoi.
Les surfeurs ne sont pas tous pareils, mais le mien n’était pas comme ça. Et je crois que je n’ai jamais aussi peu surfé que quand j’ai été sa copine.

Trop de surf dans sa vie tue le surf, alors il est aussi devenu un très bon golfeur. Et moi j’aime pas le golf, ça m’ennuie. A force de faire du surf pour la compétition et la gagne, ça n’était même plus synonyme de plaisir et de fun pour lui. Les rares fois où on s’est retrouvés au pic en même temps j’avais l’impression d’être en heat pour une étape du tour. – « Vas-y rame ! Allez celle là, prend là, allez là, qu’est ce que tu fous elle était parfaite ! ».

J’aurai bien aimé naitre à Hawaii dans la peau de Coco Ho mais malheureusement moi c’est Juliette, 26 ans, boss du shop « surf sensation » et je dis ouaaaaais.
J’ai fini par arrêter de coller des étiquettes sur la tête des gens que je rencontre, les étiquettes je les laisse sur mes shampoings. Et qui sait, si je rencontre un shaper, il pourra toujours m’offrir des planches à défaut de m’apprendre à les shaper. »